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Accès à l'eau potable : vers un droit opposable ?

Accès à l’eau potable : vers un droit opposable ?

L’accès de tous à l’eau potable reste une source d’inégalités parmi la population mondiale. À l’échelle plus retreinte de la France, les personnes qui se trouvent dans une situation précaire connaissent des difficultés à se procurer de l’eau propre à la consommation, et à bénéficier d’un assainissement satisfaisant. La récente pandémie a aussi remis en lumière l’importance sanitaire que revêt l’eau lorsqu’il s’agit de respecter des mesures d’hygiène pour prévenir certaines maladies. Enjeu de santé publique et d’environnement, l’accès à l’eau tend à voir s’imposer un droit à l’eau au rang des droits fondamentaux.

La protection du droit à l’eau par le droit international

C’est dans une résolution historique du 28 juillet 2010 que l’Assemblée générale des Nations Unies qu’un droit à l’eau potable et à l’assainissement a été reconnu comme « un droit de l’homme, essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l’exercice de tous les droits de l’homme [1] ».

En 2015, la même organisation internationale a fait de l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement d’ici à 2030 son 6e objectif de développement durable (ODD 6), intitulé « Garantir l’accès de tous à des services d’alimentation en eau et d’assainissement gérés de façon durable » [2]. Parmi les cibles à atteindre d’ici cette date butoir, on retrouve :

  • l’accès universel et équitable à l’eau potable mais aussi à des services d’assainissement et d’hygiène adéquats, et ce, à un coût abordable ;
  • l’amélioration de la la qualité de l’eau (notamment par la réduction de la pollution, la diminution de la la proportion d’eaux usées non traitées et l’augmentation du recyclage) ;
  • la mise en œuvre d’une gestion intégrée des ressources en eau ;
  • ou encore le renforcement de la participation de la population locale à l’amélioration de la gestion de l’eau et de l’assainissement.

Au niveau européen, la directive dite « eau potable » du 16 décembre 2020 [3] est venue refondre la directive 98/83/CE relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine. Toujours avec l’objectif de protéger la santé humaine des risques de contamination des eaux potables, cette nouvelle version fait 5 apports notables :

  • l’introduction de nouvelles normes de qualité dans l’eau potable ;
  • la mise en place d’une approche basée sur les risques, avec la mise en place obligatoire d’un plan de gestion de la sécurité sanitaire des eaux (PGSSE) ;
  • le renforcement des exigences minimales relatives aux matériaux au contact de l’eau ;
  • l’amélioration de l’accès à l’eau pour tous, avec l’obligation pour les États membres de mettre en place des mesures adéquates ;
  • et l’amélioration de la transparence sur la qualité de l’eau vis-à-vis des consommateurs.

La prise en considération du droit à l’eau en droit français

À l’occasion de la reconnaissance du droit à l’eau comme un droit de l’homme en tant que tel, l’Assemblée générale des Nations Unies a rappelé, dans la résolution de 2010 précitée, qu’il incombait aux États de promouvoir et de protéger tous les droits de l’homme et de les traiter avec la même priorité.

Devançant les Nations Unies, le législateur français avait déjà, dans la Loi sur l’Eau et les Milieux Aquatiques (LEMA) de 2006, acté le fait que « chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d’accéder à l’eau potable, dans des conditions économiquement acceptables par tous [4] ».

Pour aller plus loin, une proposition de loi de 2015 visant à la mise en œuvre effective du droit humain à l’eau potable et à l’assainissement a réaffirmé le caractère fondamental du droit à l’eau pour les citoyens [5]. Malgré le fait que les travaux parlementaires aient été clôturés en 2017 et que la proposition n’ait pas été adoptée, les députés y ont souligné la nécessité de légiférer pour asseoir ce droit dans les textes et ainsi le garantir. Étaient notamment proposées :

  • l’inscription effective du droit à l’eau et à l’assainissement dans le droit français ;
  • l’obligation pour les municipalités de donner un accès gratuit à l’eau à ceux qui n’en disposent pas ;
  • et la création d’une aide préventive pour les personnes en situation de précarité peinant à payer leurs factures d’eau.

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE), qui participe à l’élaboration et à l’évaluation des politiques publiques, a aussi apporté sa pierre à l’édifice en octobre 2022, en adoptant l’avis « La gestion de l’eau et de l’assainissement dans les outre-mer » [6], qui préconise une évolution du droit actuel afin de garantir à tous un droit opposable à l’accès à l’eau potable d’application générale. La création d’une commission de médiation départementale de l’eau est ainsi discutée pour accueillir les recours amiables visant à faire valoir ce droit, qui pourrait, le cas échéant, faire ensuite l’objet d’un recours contentieux.

Parfaitement inscrite dans le plan d’action du Gouvernement pour la transition écologique (volet "Eau"), la directive européenne "eau potable" vient d’être transposée en droit français [7].
Une ordonnance du 22 décembre 2022 [8] modifie le Code de la santé publique, le Code de l’environnement ainsi que le Code des collectivités territoriales. Elle procède ainsi à la définition des besoins essentiels des personnes en eau potable, impose de nouvelles responsabilités aux communes et à leurs établissements publics en la matière et oblige les producteurs et distributeurs d’eau à réaliser un PGSSE [9].

Pour compléter la transposition de cette directive européenne, Il faut s’attendre à deux décrets en Conseil d’État et quinze arrêtés ministériels ou interministériels. Trois autres arrêtés, nécessitant des consignes et actes complémentaires de la Commission européenne, devraient être publiés dans les prochains mois pour achever pleinement cet exercice de transposition.
Actuellement, les modalités d’identification des personnes ayant un accès inexistant ou insuffisant à l’eau potable, de mise en œuvre des solutions d’amélioration de l’accès à l’eau ont été précisées par un décret du 29 décembre 2022 [10]. Un arrêté du 10 janvier 2023 destiné aux agences régionales de santé, aux laboratoires agréés pour le contrôle sanitaire des eaux et aux personnes responsables de la production, de la distribution ou du conditionnement d’eau a par ailleurs modifié certaines dispositions applicables aux eaux minérales naturelles, notamment en matière d’étiquetage [11].


Notes :

[2Pour en savoir plus, voir le site officiel des Nations Unies.

[3Dir. 2020/2184, 16 déc. 2020, JOUE 23 déc., relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine ; plus d’informations sur le site du ministère de la Santé et de la Prévention.

[5PPL n° 2715, 8 avr. 2015, M. Lesage, J. Glavany, J.-P. Chanteguet, M.-G. Buffet, F.-M. Lambert, B. Pancher, S. Saint-André.

[7Voir not. D. Iweins, « L’accès à l’eau pour tous garanti ».

[8Ord. n° 2022-1611, 22 déc. 2022, JO 23 déc., relative à l’accès et à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine | Rapport au Président de la République.

[9À ce sujet, voir la Lettre de la DAJ du 12/01/2023 sur www.economie.gouv.fr.

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