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Quiet quitting : une tendance révélatrice des nouvelles attentes au travail

Quiet quitting : une tendance révélatrice des nouvelles attentes au travail

Le phénomène du « quiet quitting », popularisé par le hashtag chinois #tangpang, s’est répandu dans le monde du travail, atteignant les États-Unis en 2022 et gagnant ensuite la France, y compris dans le notariat. Ce nouveau comportement consiste à faire le strict minimum au travail pour préserver son équilibre personnel. Cet article explore les enjeux et implications de cette évolution dans notre rapport au travail.

Définition

Le quiet quitting ou « démission silencieuse » désigne des employés qui, tout en restant en poste, réduisent leur engagement professionnel en se contentant de faire le minimum, souvent à cause d’une surcharge de travail, d’un manque de reconnaissance ou d’un besoin d’équilibre entre vie professionnelle et personnelle. Cela se traduit par un refus de tâches supplémentaires, le respect strict des horaires et un désengagement vis-à-vis des collègues.

Le contexte

Le 27 mai 2021, le magazine chinois Sixth Tone a publié un article controversé et intitulé Tired of Running in Place, Young Chinese ‘Lie Down’, abordant le phénomène du quiet quitting. Le magazine interviewait Wendy, une jeune cadre chinoise, qui avait déclaré à l’époque :

« La norme impose de travailler dur pour obtenir de bonnes évaluations, mais je m’y oppose, en refusant les heures supplémentaires et la course aux promotions ».

Cet aveu reflète une lassitude vis-à-vis du travail, symbolisée par le hashtag #tangpang, qui a émergé sur le réseau social Weibo, avant d’être rapidement censuré par le gouvernement chinois.

Source : Le Twitter de la marque TangPing

Le phénomène quiet quitting a ainsi gagné en visibilité, attirant l’attention de médias internationaux comme The Guardian, qui a publié un article le 6 août 2022 intitulé Quiet quitting : why doing the bare minimum at work has gone global . En France, des titres comme Le Figaro et Society ont également couvert le sujet. Le 14 septembre 2022, Society a interrogé ses lecteurs dans son 188ème numéro : « Et si on ne retournait pas au travail ? », soulignant la remise en question croissante du rapport au travail.

Source : Magazine Society

Mesurer le phénomène

Le quiet quitting : une simple mode ?

En 2022, l’Institut français de l’opinion publique (IFOP) s’était intéressé au quiet quitting avec une enquête [1] sur l’implication professionnelle des français et leur perception de la valeur travail. Selon cette étude, 37 % des actifs occupés pratiquaient déjà le quiet quitting.

Source : Ifop pour les makers.

Près de 50 % des salariés se contentent de « faire juste ce qu’il faut » au travail. La répartition est presque égale entre ceux qui sont très impliqués (51 %) et ceux qui font le minimum (45 %). Les jeunes générations sont réputées les moins travailleuses, une opinion partagée par 74 % des Français et par les jeunes eux-mêmes, avec 61 % des 18-24 ans et 71 % des 25-34 ans qui confirment cette perception.

Source : Ifop pour les makers.

Plusieurs raisons peuvent expliquer l’adoption du quiet quitting. Le manque de considération pour le travail fourni en fait partie.

Quiet quitting  : un signal d’alarme face à l’indifférence professionnelle

En trente ans, la proportion de travailleurs français estimant contribuer davantage qu’ils ne reçoivent de leur emploi est passée de 25 % en 1993 à 48 % en 2022. Actuellement, un peu plus d’un actif sur dix (13 %) pense tirer un bénéfice de son engagement au sein de l’entreprise.

Source : Ifop pour les makers.

La situation en 2024

Selon l’édition 2024 du rapport Gallup « State of the Global Workplace », environ 62 % des employés se déclarent désengagés au travail, dont 15 % se considèrent comme extrêmement désengagés. En Europe, ces chiffres sont encore plus préoccupants, avec 72 % des travailleurs désengagés et 16 % extrêmement désengagés.

Le secteur du notariat face aux nouveaux enjeux du quiet quitting

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Le secteur notarial est aussi touché par le quiet quitting, lié à des conditions de travail jugées insatisfaisantes : surcharge, manque d’évolution, déséquilibre vie pro/perso et salaires insuffisants.

Pour pallier à cette situation des initiatives ont été prises, par exemple l’augmentation des salaires des apprentis notaires. Cependant la gratification financière ne suffit sans doute pas à retenir les talents. Ce phénomène met en lumière un mal-être plus profond, souvent causé par des pratiques managériales parfois délétères qui contribuent au burnout et à la démission.

Pousser à la démission : la méthode du quiet cutting

Une nouvelle tendance émerge, le quiet cutting. Le quiet cutting peut être compris comme un « licenciement silencieux ». Selon une étude [2] menée en mars 2024 par le site de recherche d’emploi Monster, 77 % des travailleurs interrogés ont observé des pratiques de quiet cutting dans leur entreprise, et 58 % affirment avoir été directement touchés par cette méthode.

Selon Nina Tarhouny, docteure en droit, experte en risques psychosociaux et fondatrice du cabinet Global Impact, la pratique du quiet cutting consiste à inciter subtilement les salariés à démissionner, afin d’éviter les coûts associés au licenciement. Elle souligne que cette méthode peut revêtir plusieurs formes, telles que :

  • Le « placard »/ la mise à l’écart du salarié ;
  • Le retrait de certaines fonctions ;
  • Le manque de reconnaissance.

De son côté, Maître Cyrille Catoire, avocat spécialisé en droit social, indique que certains employeurs recourent à des pratiques déloyales telles que :

  • Le refus d’augmentations salariales ;
  • Le non-versement de primes ou bonus.

Selon lui, l’objectif est la démotivation de l’employé afin de le pousser à quitter volontairement son poste.

« C’est super pervers pour les salariés qui se retrouvent face à cette situation » a déclaré Maître Cyrille Catoire, avocat spécialisé en droit social au média France Info.

Cependant, cette pratique resterait encore minoritaire. Pour l’instant, seuls quelques secteurs comme le bâtiment ou la communication événementielle seraient concernés.

Quels bénéfices et risques pour les employeurs ?

Maître Cyrille Catoire, dans un entretien avec France Info le 14 avril 2024, explique que les entreprises se posent souvent la question du coût et de la procédure liés à la rupture d’un contrat de travail. Le licenciement, nécessitant un motif valable et le paiement d’indemnités, peut être coûteux. C’est pourquoi certaines entreprises préfèrent inciter le salarié à démissionner, ce qui évite ces frais.

Cependant, selon l’avocat spécialisé en droit social, le quiet cutting est une pratique qui peut se retourner contre l’entreprise.

« Cela peut entraîner des conséquences juridiques imprévues et, contrairement à ce qu’elles imaginent, rarement des économies. En réalité, elles s’exposent à un contentieux qui peut leur coûter bien plus cher » a déclaré l’avocat.

Quiet cutting et quiet quitting : réactions distinctes aux dynamiques de travail modernes

Les deux phénomènes peuvent se produire simultanément dans un environnement de travail où il y a un manque de reconnaissance, des changements organisationnels ou des tensions autour de la gestion des ressources humaines. Si le quiet cutting est un moyen pour l’employeur de réduire la main-d’œuvre ou d’éliminer des employés sans confrontation directe, le quiet quitting est la manière pour l’employé de réagir à ce type de situation, souvent par un désengagement volontaire. Ainsi, bien que liés dans leur contexte et dans leurs causes sous-jacentes, ces phénomènes représentent des réactions distinctes aux dynamiques de travail modernes.


Notes :

[1L’enquête auprès de 2 015 personnes, dont 1 109 actifs, représentant la population française de 18 ans et plus. Les interviews ont été menées par un questionnaire auto-administré en ligne du 11 au 13 octobre 2022.

[2Les résultats de l’étude proviennent d’entretiens avec des salariés et une revue de la littérature sur le quiet cutting.

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