Quelles sont, encore aujourd’hui, les craintes par rapport à l’interprofessionnalité ?
La première crainte avec l’interprofessionnalité est que notre spécificité ne soit, sinon pas reconnue, du moins mélangée, et que l’on perde ce qui fait notre véritable personnalité. La seconde raison, pour les professionnels particulièrement craintifs, est la peur que certains notaires intègrent des structures beaucoup plus importantes et deviennent dépendants économiquement. Face à ces craintes, le message serait plutôt : « Faisons de l’interprofessionnalité, mais restons notaire ». Pour moi, l’interprofessionnalité est l’usage intelligent de l’ensemble des spécificités de chacun.
Aujourd’hui, peu de notaires y ont finalement réfléchi. Il n’y a donc pas de danger immédiat. Ceci étant, l’une des craintes peut aussi venir du fait que des notaires en difficulté économique, ne serait-ce que les nouveaux notaires – certains marchent très bien, mais d’autres moins bien – ne se « vendent » au cours d’une association pluriprofessionnelle.
Les jeunes notaires et les nouveaux installants sont-ils d’ailleurs plus ouverts à l’interprofessionnalité ?
Jusqu’à présent nous constatons peu de retombées, tout simplement parce qu’ils s’installent. Aujourd’hui, leur souci principal est d’exister. Après un certain temps, ces nouveaux notaires réaliseront un bilan et se poseront ce type de questions. L’impact des nouveaux notaires n’est pas totalement mesurable aujourd’hui, d’autant plus qu’une nouvelle série d’installations arrive et je crains que ce soit au détriment des précédents tirés au sort, plutôt que des notaires existants.
Vous organisez un colloque sur cette thématique le 8 juillet, avec l’Association des avocats conseil d’entreprises, l’Institut français des experts-comptables et des commissaires aux comptes et la Compagnie nationale des conseils en propriété intellectuels. Comment va se dérouler cette journée ?
Le colloque sera découpé en quatre temps. Le premier sera l’intervention du professeur Simon de Charentenay, qui présentera l’aspect sociétal de l’enjeu de l’interprofessionnalité. Il considère en effet qu’elle est nécessaire, et qu’elle répond à l’intérêt des professions. Il y aura ensuite un compte-rendu des expériences actuelles d’interprofessionnalité, qui concernent autant des petites structures que des structures plus importantes. Puis l’après midi sera divisé en plusieurs ateliers. L’un d’eux sera, de façon assez classique, sur les bonnes pratiques, et évoquera les structures, la déontologie, le secret, et des questions très notariales. Il y aura également un atelier concernant l’impact de l’interprofessionnalité sur la performance globale et le RSE de l’entreprise, un troisième sur le Dream design - qui est, aujourd’hui, un concept qui concerne plus l’avocat que le notaire -, et enfin un au cours duquel nous parlerons de la blockchain, qui est un sujet qui peut être très notarial et sur lequel nous travaillons actuellement.
La journée se terminera pas une synthèse de ces travaux, qui sera notamment réalisée par Pierre Berlioz, actuel directeur de l’Ecole de formation du Barreau de Paris et qui a participé à la rédaction des textes sur lesquels nous allons travaillés.
L’interprofessionnalité a donc un intérêt pour les professions, mais également pour les clients des professionnels ?
Oui, tout à fait. Le concept de l’interprofessionnalité est d’avoir un « full service », afin que le client puisse trouver en un même endroit des compétences différentes et complémentaires. Parce que l’interprofessionalité est véritablement l’idée de complémentarité, et pas celle du juriste unique. C’est donc aussi dans l’intérêt du client.
Quel premier conseil donneriez-vous à des notaires qui souhaiteraient se lancer dans l’interprofessionnalité ?
Pour ce conseil, je vais reprendre la formule de Philippe Pierre, qui était notre rapporteur de synthèse lors de notre congrès de Saint-Pétersbourg, au cours duquel nous avons parlé de l’interprofessionnalité : « Mes chers confrères, n’ayez pas peur, mais soyez vigilants sur le sujet ».
Propos recueillis par Clarisse Andry
Article initialement publié dans le Journal du Village des Notaires n°76